La dette technique, c’est un terme que l’on entend couramment dans le domaine du développement logiciel.
Il est apparu pour la première fois en 1992, sous la plume d’un informaticien américain, Ward Cunningham. Depuis, bien sûr, le concept a évolué.
Aujourd’hui, on peut la définir comme le coût induit par les « compromis » et ajustements que l’on adopte sur le code ou les technologies employées, lors du développement d’une solution IT.
Comme une dette financière, la dette technique va enfler au fil du temps, jusqu’à ce qu’elle doive être « remboursée » pour assurer la survie du système et éviter des frais croissants.
Raison pour laquelle elle est considérée comme un enjeu central dans tout projet digital.
Toutes les entreprises doivent y faire face, qu’il s’agisse de banques, d’assurance, d’entreprises industrielles, ou encore de startups en pleine croissance.
Particulièrement, lorsque les environnements sont complexes et évoluent rapidement.
Alors, qu’est-ce que ce terme recouvre exactement ? La dette technique est-elle une fatalité ou peut-on la prévenir ?
Dans cet article, nous allons explorer les différents types de dette technique, leurs causes et leurs effets, mais aussi, comment la gérer efficacement pour qu’elle ne devienne pas un frein à l’innovation et à la croissance de votre entreprise.
La dette technique : retour à l’origine
Différentes raisons font que l’on crée, parfois sans en avoir conscience, une dette technique.
En voici quelques-unes, assez courantes :
Réduire le « time to market »
Imaginez que pour sortir une application avant une échéance stratégique, votre équipe de développement décide de coder rapidement sans passer par toutes les étapes de test et d’optimisation.
Si ce choix permet de tenir le délai, il laisse un héritage de problèmes potentiels à corriger plus tard.
Des contraintes budgétaires
Pour respecter un budget serré, certaines entreprises font aussi, parfois, le choix de réduire les temps de développement et de tests.
L’évolution rapide des technologies
Le vieillissement des systèmes peut rendre les technologies obsolètes et incompatibles avec les versions les plus récentes.
Le manque de documentation et de tests
Quand la documentation est insuffisante ou les tests négligés, le système devient plus complexe à maintenir et les erreurs plus fréquentes.
Quelle que soit son origine, la dette technique rend donc le système plus difficile à maintenir et à faire évoluer dans le temps.
Les deux types de dette technique
La dette technique peut être intentionnelle ou non intentionnelle.
Dans certains cas, elle est assumée pour répondre à un besoin immédiat : « on gagne du temps maintenant et on paiera plus tard. »
En d’autres termes, on sait qu’on fait un compromis pour tenir un objectif (de délai, de budget…), mais on rétablira la situation sur le prochain sprint ou la prochaine release.
Lorsque la dette technique est non intentionnelle, c’est souvent par manque de prévoyance ou de documentation.
Les conséquences d’une dette technique
Qu’elle soit intentionnelle ou non, la dette technique est souvent perçue comme un problème secondaire.
Quelque chose que l’on peut « régler plus tard ».
Mais ce choix a un prix.
La dette technique impacte non seulement le budget, mais aussi l’agilité, la sécurité et la capacité d’innovation de l’entreprise.
Voyons ensemble les principales conséquences qu’elle peut avoir dans le temps.
Un coût caché qui peut s’alourdir rapidement
Généralement invisible au départ, le coût de la dette technique peut devenir un frein majeur à l’évolution de votre solution digitale.
En effet, à chaque mise à jour ou adaptation, la dette s’accumule : au-delà de la simple maintenance, cela coûte cher en heures de développement et de tests supplémentaires.
Et pendant qu’elles sont concentrées sur ces tâches de « réparation », les équipes de dev ne peuvent pas investir leur temps dans des projets innovants.
Impact sur l’innovation et l’agilité
Une dette technique élevée complexifie l’innovation.
À titre d’exemple, apporter de nouvelles fonctionnalités à votre solution digitale, la rendre compatible avec des composants ou des systèmes plus récents relève d’un vrai casse-tête.
L’agilité de l’entreprise, sa capacité à rester compétitive par rapport à sa concurrence peuvent donc être impactées.
Des risques accrus en cybersécurité
Un code ancien et insuffisamment maintenu peut comporter des failles qui le rendent vulnérable aux attaques.
Les systèmes obsolètes, non mis à jour régulièrement, deviennent des portes d’entrée faciles pour des cyberattaques.
Identifier et quantifier la dette technique
La dette technique peut se dissimuler dans divers aspects d’un projet IT : un code complexe, une architecture vieillissante, des tests insuffisants…
Pour ne pas laisser cette dette s’accumuler et prendre des proportions ingérables, il est nécessaire de mettre en place des outils et méthodes qui permettent de l’auditer et de la quantifier.
Faire régulièrement un audit technique
La première étape consiste à réaliser un audit technique.
Cet audit va permettre de détecter et corriger les dérives techniques avant qu’elles n’engendrent des coûts importants.
Il peut être mené en interne, par vos équipes de développement ou vos experts en architecture, ou par des experts externes qui apporteront un regard neuf et objectif.
Prenons l’exemple d’une startup qui appuie son business model sur une app.
À son lancement, elle a pris le parti de développer son app à un rythme rapide pour optimiser son Time to market.
Ayant franchi ce premier cap, elle anticipe une montée en charge importante.
En conduisant un audit technique, elle est en mesure de détecter les choix de code ou d’architecture, qui risquent de ralentir sa croissance dans les mois à venir.
Grâce à cet audit, elle disposera des informations nécessaires pour prioriser les corrections à réaliser.
Elle évitera ainsi de se retrouver face à une dette technique « invisible » qui pourrait impacter les performances globales de l’app
Surveiller les signaux d’alerte
Quelques indicateurs clés vous permettent de suivre l’évolution et l’impact de la dette.
Degré de complexité du code
Un code trop complexe, difficile à comprendre ou à modifier, est un symptôme de dette technique.
Les outils d’analyse de code, tels que SonarQube, permettent de quantifier cette complexité, par exemple en mesurant le nombre de dépendances, les duplications de code ou la longueur des fonctions.
Fréquence et gravité des bugs
Plus un code génère de bugs, plus il est coûteux en maintenance.
Un nombre élevé de bugs est souvent révélateur d’une dette technique accumulée qui n’a pas été adressée en amont.
Étirement des délais de livraison
Si les équipes de développement mettent de plus en plus de temps à implémenter des modifications simples ou des évolutions, cela peut signifier que la dette technique freine leur agilité.
Par exemple, un projet de digitalisation qui ralentit à chaque nouvelle fonctionnalité peut signaler une dette structurelle importante.
Augmentation du coût de maintenance
La dette technique se traduit fréquemment par un coût de maintenance qui augmente avec le temps.
Si les budgets consacrés à la maintenance dépassent les prévisions ou que les tâches de maintenance prennent le pas sur les projets innovants, il y a fort à parier que la dette technique est élevée.
Maîtriser et réduire la dette technique
Adopter de bonnes pratiques permettra de prévenir la dette technique à l’avenir.
En voici quelques-unes :
Code bien documenté et tests automatisés
Une gestion proactive de la dette technique repose en partie sur des pratiques de développement rigoureuses.
La documentation joue un rôle essentiel, car un code bien documenté est plus facile à maintenir et plus rapide à corriger.
Elle permet à un développeur qui reprend le code de comprendre rapidement l’architecture et les choix techniques, ce qui réduit les risques d’erreurs ou de redondance.
Par ailleurs, en déployant des tests unitaires, d’intégration et de régression, les équipes peuvent détecter des anomalies dès les premières étapes de développement.
Avec des tests automatisés, chaque mise à jour est immédiatement contrôlée, ce qui limite le risque de dette technique à long terme.
Refactoring et adoption de technologies pérennes
Le refactoring (ou révision de code) est une pratique qui a pour objectif d’optimiser et de simplifier le code sans modifier les fonctionnalités existantes.
Une révision régulière du code minimise le risque de bugs.
Adopter des technologies durables est une autre façon de réduire la dette technique à long terme.
Par exemple, privilégier des frameworks bien établis ou des plateformes open source qui sont souvent mises à jour par de larges communautés de développeurs, peut réduire le risque d’obsolescence.
Intégration de la réduction de la dette technique dans la roadmap
En utilisant les indicateurs vus précédemment ou au travers de l’audit, on peut cibler les éléments du code ou les technologies qui représentent le plus grand risque.
On est ainsi en mesure d’identifier les éléments de la dette technique à corriger en priorité.
C’est ainsi qu’on peut budgéter et intégrer la réduction de la dette technique à la roadmap.
Car allouer un budget à cette réduction permet de ne pas repousser indéfiniment les correctifs nécessaires.
Ce budget couvre à la fois le refactoring et les outils permettant de garantir la qualité du code.
Certaines entreprises anticipent et dédient même un pourcentage de leur budget IT annuel à la réduction de la dette technique, afin de maintenir leurs systèmes en bonne santé et limiter les interventions d’urgence.
Prévention et amélioration continue
Une approche proactive passe également par la formation continue des équipes.
Encourager les développeurs à se former régulièrement sur les meilleures pratiques, les nouveaux outils et les méthodologies de qualité logicielle, suivre une approche d’amélioration continue permettent en effet de prévenir l’accumulation de dette technique.
Transformer la dette technique en avantage concurrentiel
La dette technique est souvent perçue comme une contrainte ou comme une charge que l’on gère dans l’urgence.
Pourtant, en adoptant une approche proactive et une vision à long terme, elle peut devenir un levier stratégique.
En effet, une entreprise qui maîtrise sa dette technique se donne les moyens d’agir avec agilité, d’innover et d’accroître la sécurité de son environnement IT.
En mettant en place les bonnes pratiques, en intégrant la réduction de la dette dans la roadmap et en favorisant une culture de prévention, elle se construit une infrastructure solide, capable de s’adapter aux changements rapides du marché.
Pour aller plus loin :
- [ Podcast ] Audit d’application mobile : on en parle ?
- [ Cas d’usage ] Refonte d’une application mobile de livraison de colis
- [ Cas d’usage ] Audit et Tierce Maintenance Applicative d’une application mobile de prise de rendez-vous et suivi de commande
Ressources :
- The growing threat of technical debt, Outsystems, Mai 2021
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