Cela ne se fait pas de commencer par soi-même. Mais une fois n’est pas coutume. Moi qui écris cet article, je peux en témoigner : j’ai fait une MIAGE (Maîtrise d’Informatique Appliquée à la Gestion) dans les années 80 (au siècle dernier, donc !), en 85-87 précisément. Ma promo était parfaitement mixte.
En parcourant les nombreux articles qui sont parus à l’occasion de la Journée Internationale des droits des femmes (le 8 mars) à propos d’inégalités hommes femmes, je vois que la proportion des femmes ingénieures en informatique (qui était de 30% dans les années 80, donc pas exactement la parité comme mon expérience pourrait le laisser penser) a commencé à décroitre à peu près à ce moment-là. Et qu’en 30 ans, elle est passée de 30% à 15%* !
Mais que s’est-il passé ? Ou plus exactement, où sont passées les femmes ?
Une petite histoire des femmes dans l’informatique
Une rapide incursion sur Wikipedia s’impose pour nous remettre en mémoire quelle place importante les femmes ont occupé en science et dès l’avènement de l’informatique ; et quelles contributions majeures, elles ont apporté :
- Nicole-Reine Lepaute (1723 – 1788), grande calculatrice et astronome, intervient dans le calcul de la trajectoire de la comète de Halley ;
- Maria Mitchell (1818 – 1889), bibliothécaire et astronome autodidacte, travaille sur les tables de positions de la planète Venus ;
- Ada Lovelace (1815 – 1852), pionnière de l’informatique, est à l’origine du 1ᵉʳ algorithme exécutable par un ordinateur ;
- Grace Hopper (1906 – 1992), conçoit le 1ᵉʳ compilateur et le langage Cobol ;
- …
Sans parler des femmes qui, pendant les Première et Seconde Guerres Mondiales ont œuvré dans l’ombre (calculatrices, cryptographes) ; et celles qui ont permis que l’Homme avec un grand H fasse un Grand Pas pour l’humanité sur la lune.
À ce sujet, il est incontournable de voir ou revoir « Les figures de l’ombre » (adaptation cinématographique du livre biographique éponyme), qui met en scène les calculatrices Katherine Johnson, Dorothy Vaughan et Mary Jackson, toutes trois grandes contributrices des programmes aéronautiques et spatiaux de la NASA.
Katherine (joli prénom !) a notamment calculé les trajectoires de la mission vers la lune en 69. Mary fut la première femme Afro-Américaine ingénieure en aéronautique et Dorothy devint responsable du département de calculs informatiques. Quels beaux parcours… Et quelles grandes oubliées. Car, à quelques exceptions près, qui les connait ?
Et au fil du temps, après les années 60, l’importance des femmes, reléguées au travail de « calculatrices », décroît : leur rôle passe au second plan.
Des chiffres préoccupants
Avant de parler des chiffres (qui, pour être honnête, ne sont pas très encourageants), balayons devant notre porte. Chez InfleXsys, sur 47 collaborateurs, il y a 14 femmes. Donc, environ 30% de femmes. Pas mal…
Si je ne tiens compte que des femmes qui interviennent dans le développement (développeuses, testeuses, cheffes de projet, designeuses) en retirant celles qui occupent des fonctions support, on obtient 23% de l’effectif. Le nombre de pures développeuses est très faible… La grande majorité des candidats qui nous envoient des CV sont des hommes.
Donc, la marge de progression est importante pour atteindre la parité !
En France, selon l’édition 2022 de l’enquête Gender Scan, les femmes sont en dessous des 20% des effectifs dans les entreprises du numérique. Pourtant, paradoxalement, le nombre de femmes diplômées dans ce secteur augmente… de même que le nombre de postes non pourvus dans l’IT ! Va comprendre, Charles. Ou Charlotte.
Et plus on monte dans les niveaux hiérarchiques, plus leur absence est remarquable : Parmi les dirigeants du Next 40 (les 40 startups les plus prometteuses de l’écosystème numérique français), il faut attendre 2023 pour voir apparaître une femme. Selon le baromètre Sistaqui (2022), seulement 10% des startups créées le sont par des femmes… Et celles-ci sont concernées par à peine 2% des fonds levés ! Sans parler du montant levé, environ 4 fois inférieur à celui d’équipes composées d’hommes.
La montée de l’IA : Un levier ou une menace de plus pour la mixité ?
En ce qui concerne l’IA, il semblerait selon le World économique forum que la proportion des femmes compétentes (30%) est plus importante que dans le numérique en général, et qu’elle est en légère augmentation (26% en 2016).
On peut donc penser que l’IA attire plus les femmes que d’autres domaines de l’informatique, sans qu’une raison précise ne soit formulée par les différents analystes. Peut-être qu’étant donné sa « jeunesse », l’IA ne souffre pas trop des stéréotypes habituels concernant les développeurs (considérés comme des « geeks ») ?
Si l’on est optimiste de nature (je le suis), on peut espérer que, les femmes s’intègrant de mieux en mieux dans les phases de développement de l’IA, les biais de genre que l’on peut constater dans les algorithmes finiront par être effacés ?
Un autre enjeu, concernant l’IA, c’est qu’elle menace des emplois qui sont aujourd’hui très féminisés…
Alors, comment faire pour promouvoir les métiers de l’informatique auprès des jeunes filles et des femmes ?
On constate tout de même depuis quelques années un engagement plus fort des dirigeants d’entreprise en faveur de la mixité et de la diversité des équipes. Développer une culture de la mixité et d’inclusion, cela nécessite des méthodes et de porter une attention particulière à une foule de « détails » au quotidien. Ce qui prend du temps…
Pourtant, selon le site 50inTech (une plateforme de type Linkedin dédiée aux femmes), cela n’empêche pas une femme sur deux de quitter la tech après ses 35 ans. Les raisons : ambiance de travail toxique et sexiste, faiblesse des politiques anti-discriminations, inégalités salariales, possibilités d’évolution de carrières insatisfaisantes, manque de flexibilité…
Autant de pistes de travail qui permettraient de faire évoluer la situation et ainsi, de donner une plus grande place aux femmes dans la tech ?
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