Le 11 décembre dernier, à l’occasion de la remise de nos boîtes de Noël à l’association Un Petit Bagage d’Amour, nous avons été accueillis dans les locaux de la Banque Alimentaire de Bordeaux et de la Gironde (BABG), par Mmes Valérie Bolze (Présidente) et Pierrette Castagné (Responsable de la communication).
Cette rencontre a donné lieu à une visite marquante des locaux de la BABG et à une présentation détaillée du travail incroyable que réalisent les 250 bénévoles et 14 salariés de cet établissement !
Arrivés sous la pluie dans le gigantesque entrepôt de la BABG, nous découvrons une armée de « gilets orange » qui s’affairent à la tâche.
Il fait froid et pourtant, c’est dans une ambiance enjouée et chaleureuse que chacun travaille en s’interpelant et plaisantant. Chacun sait ce qu’il a à faire. On comprend immédiatement que la mécanique est parfaitement huilée. Pas d’improvisation, ici. L’organisation, la rigueur sont la règle.
Alors que nous commençons la visite, nous croisons et saluons une bénévole que son âge vénérable (plus de 90 ans) n’empêche pas de contribuer (et ceci depuis de très nombreuses années) à la mission que s’est fixée la Banque Alimentaire : « Aider l’Homme à se restaurer, dans son double sens (biologique et psychologique), en luttant contre le gaspillage, la malnutrition et la sous-nutrition. »
Un peu d’histoire…
En 1984, né le premier réseau d’accompagnement alimentaire en France, pour apporter une réponse à la montée de la pauvreté cohabitant avec le gaspillage de denrées. La Banque Alimentaire de Paris Île-de-France est alors créée. Son modèle s’appuie sur celui des Food Banks américaines et il est rapidement dupliqué au cours des années suivantes dans les principales villes de France. La Banque Alimentaire de Bordeaux et de la Gironde voit alors le jour le 9 juin 1986.
Aujourd’hui, il existe en tout 79 Banques Alimentaires en France, réunies au sein de la Fédération Française des Banques Alimentaires (F.F.B.A.).
Plus que jamais, le rôle des Banques Alimentaires, comme celui des autres grandes organisations qui viennent au secours des plus précaires (les Restos du Cœur, le Secours Populaire…) est crucial, nous explique Valérie Bolze : « Ce sont plus de 180 000 personnes qui vivent en situation de précarité, rien qu’en Gironde. Nous ne pouvons pas l’accepter ! »
La Banque Alimentaire de Bordeaux et de la Gironde vient en aide à 22 000 bénéficiaires.
De la collecte à la distribution
Comment la BABG fonctionne-t-elle, de la collecte à la distribution ?
Collecte
Chaque jour, 6 camions frigorifiques font la tournée de collecte de produits frais (légumes, fruits, fromages, yaourts, viande) dans les grandes surfaces (supermarchés et hypermarchés) ayant un accord avec la BABG et au MIN Bordeaux Brienne.
Ce sont alors cinq tonnes de denrées qui vont entrer et sortir dans la journée de la Banque Alimentaire !
Ces denrées proviennent de la lutte contre le gaspillage alimentaire, de dons spontanés des industriels, de produits financés par le Fonds Européen d’Aides aux Plus Démunis (FEAD) et des dons faits par des particuliers à l’occasion de la collecte nationale annuelle.
Tri
Lorsqu’elles arrivent dans l’entrepôt, les denrées sont contrôlées, triées, enregistrées et stockées.
S’il s’agit d’aliments périssables ou réfrigérés, ils sont stockés dans une chambre froide ; s’il s’agit de produits secs, ils sont entreposés dans des racks sur des palettes ; les produits issus du FEAD bénéficient d’un stockage spécifique.
Les fruits et légumes sont triés par famille de produit et placés immédiatement dans la zone de distribution.
Stockage
La surface de stockage est donc immense et l’entrepôt de 2600 m³ est sécurisé pour ne pas tenter les cambrioleurs.
« Pourtant, pour la 8ᵉ fois en trois mois, nous avons été cambriolés, malgré l’alarme en place. Fin octobre, ce sont les ustensiles de cuisine qui permettent de préparer les repas de la centaine de bénévoles qui travaillent au quotidien sur le site, des lave-linges et des sèche-linges qui ont disparu. Précédemment, du carburant avait été siphonné dans les camions et il y a eu aussi des vols de câbles en cuivre qui alimentent les chambres froides. Deux sont hors service, en attente de réparation ! ».
Constat insupportable pour les salariés et les bénévoles qui œuvrent au quotidien au service des plus démunis. Contre vents et marées, ils trouvent des solutions temporaires pour contourner les obstacles, mais la colère gronde. La Présidente, excédée, a été obligée de solliciter une société de gardiennage et a lancé un appel aux pouvoirs publics.
Distribution
Pour finir, les denrées sont réparties équitablement entre les 126 partenaires adhérents de la BABG, en fonction des commandes. Ils peuvent être distribués par la Banque Alimentaire ou bien chargés dans les véhicules des partenaires qui viennent les chercher à l’entrepôt, en fonction d’un planning hebdomadaire préalablement établi.
La Banque Alimentaire distribue l’équivalent de 10 repas par semaine (petit déjeuner inclus) à ses bénéficiaires par le biais de ses partenaires. Par souci d’équité, chaque bénéficiaire reçoit la même chose.
Les denrées reçues ne sont pas reconditionnées, cela représenterait trop de contraintes.
Les partenaires de la BABG
Les 126 partenaires de la Banque Alimentaire de Bordeaux et de la Gironde sont des associations, des Centres Communaux et Intercommunaux d’Action Sociale (C.C.A.S. et C.I.A.S.). Ils doivent signer une convention pour devenir adhérents.
Ces partenaires peuvent se rendre tous les jours à la BABG pour récupérer leur dotation de produits secs (laits, pâtes, huile, conserves…), viande (dans un conteneur réfrigéré) et se servir au libre-service de fruits et légumes. Des bénévoles les reçoivent pour gérer la logistique, mais aussi pour s’assurer de la traçabilité et de la sécurité alimentaire.
Les grosses associations viennent plusieurs fois par semaine, les petites, une seule fois. Un planning leur est fourni avec un créneau horaire.
Même si elle est tributaire de ce qui est disponible, la distribution essaie de respecter des critères d’équilibre alimentaire. Bien sûr, il peut y avoir des exceptions. Par exemple, pour Noël, les associations demandent souvent des produits sucrés, plus festifs (cadeaux de noël).
Les bénéficiaires
Les 22 000 bénéficiaires de la banque alimentaire ont des profils variés. On constate cependant une tendance vers des profils de moins en moins « marginaux » :
- Ils ne sont pas des sans-logis (81% ont un logement stable).
- La perte de leur emploi est la première cause de précarité (69% des bénéficiaires ont un travail à temps partiel et leur revenu moyen est de 1000 € net mensuel).
- La 2ᵉ cause de précarité est une situation familiale difficile (personnes divorcées, femmes vivant seules avec un ou plusieurs enfants).
- De nouveaux bénéficiaires sont apparus, plus jeunes : le nombre d’étudiants est croissant parmi les bénéficiaires.
Une distribution spécifique pour les étudiants depuis la crise sanitaire
Une distribution hebdomadaire de colis est organisée pendant toute l’année sur les sites de la Piscine Universitaire de Talence et du Pôle Universitaire des Sciences de Gestion de Bordeaux-Bastide, ou durant l’été, en direct par la BABG. 500 étudiants en situation de précarité en bénéficient.
Chacun de ces colis gratuits, conçus pour un apport nutritionnel équilibré, comprend :
- une poche de produits d’épicerie sèche (lait, pâtes / riz / semoule, conserve de légumes, conserve de poissons, confiture / fruits au sirop / compotes),
- une poche de fruits et légumes frais,
- 4 œufs,
- et des produits « bonus » en libre-service en fonction de ce qui est disponible (huile, céréales, biscuits, produits d’hygiène…).
Cette distribution, mise en place au printemps 2020 avec le soutien notamment de la Région Nouvelle-Aquitaine, concerne les étudiants les plus précaires qui doivent s’inscrire pour en bénéficier auprès d’une association sociale du CROUS. Pour être prolongé après la crise sanitaire, le dispositif a reçu le soutien financier de l’Université de Bordeaux, du Département de la Gironde, de la Fondation Bordeaux Université et de mécènes.
Ainsi, en 2022, ce sont plus de 92 tonnes de denrées qui ont été distribuées (8416 colis) à des étudiants fragilisés.
Le financement
« Sur 4300 tonnes de denrées distribuées, 100 tonnes sont financées » précise Valérie Bolze.
Le principe fondateur de la Banque Alimentaire, c’est la gratuité. Lors de sa création en 1984, l’association à but non lucratif n’avait même pas de carnet de chèques !
Avec le développement du réseau, les choses ont évolué, et le principe de ne pas acheter de denrées n’est malheureusement plus de rigueur depuis la crise sanitaire : la Banque Alimentaire se voit obligée d’acheter des produits qui manquent, souvent des protéines.
Les partenaires doivent régler une cotisation annuelle et s’acquitter d’une contribution de solidarité de 26 centimes d’euros pour chaque kg de marchandises récupérées (sauf produits CNES et FEAD qui sont gratuits). La BABG reçoit, par ailleurs, des subventions des collectivités publiques et des dons d’entreprises et de particuliers.
Le fonctionnement
« Nous employons seulement 14 salariés permanents. Tous les autres sont des bénévoles : 250 personnes viennent régulièrement, c’est-à-dire au moins un jour par semaine. Et 80 à 100 personnes sont présentes dans l’entrepôt chaque jour. Les bénévoles occupent des postes variés : collecte, tri des denrées, ou encore gestion administrative » explique Mme Bolze.
Des bénévoles travaillent aussi ailleurs qu’à l’entrepôt de la BABG : Une équipe « Actions jeunes », par exemple, intervient dans les établissements scolaires pour sensibiliser les jeunes à la mission des Banques Alimentaires et à la lutte contre le gaspillage alimentaire. Ils accompagnent les collégiens participant à la collecte nationale et assurent le suivi des lycéens qui viennent trier les produits. Il y a aussi des stagiaires, des personnes effectuant leur service civique ou des travaux d’intérêts généraux.
« De plus en plus de professionnels viennent aussi travailler à la Banque Alimentaire, à mi-temps ou à temps complet, dans le cadre de Mécénat de compétences. »
Pour en savoir +, devenir bénévole ou faire un don : https://ba33.banquealimentaire.org/
Toutes les photos et illustrations apparaissant dans cet article sont la propriété de la BABG.
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